La portée de la CVR dans les contextes francophones canadiens

27-05-2021

Équipe éditoriale :
Nancy Wiscutie-Crépeau, Université d’Ottawa
Jo Anni Joncas, Université de Sherbrooke
Laurie Pageau, Université Laval
et Nicholas Ng-A-Fook, Université d’Ottawa

« Les Canadiens ont beaucoup à apprendre des voix, des expériences et de la sagesse des survivants, des aînés et des gardiens du savoir traditionnel [autochtones], et beaucoup plus encore à propos de la réconciliation. Les Peuples autochtones doivent pouvoir contribuer grandement à la réconciliation. Leurs systèmes de transmission des connaissances, leurs traditions orales, leurs lois et leurs liens profonds avec la terre ont tous revêtu une très grande importance dans le processus de réconciliation et sont essentiels à sa continuité. » (Commission de Vérité et Réconciliation, 2015, p. 10) À l’aube de la Décennie internationale des langues autochtones qui doit commencer en 2022, il nous semble essentiel que tous les Canadiens, tant anglophones que francophones, aient accès à des ressources leur permettant de bien saisir l’envergure de la Commission de vérité et réconciliation (CVR, 2015) et la portée de ses recommandations (Tupper, 2014). Or, à notre connaissance, une grande majorité des travaux y faisant référence s’inscrivent en contexte anglophone (et la plupart du temps en anglais). Par exemple, en éducation, les politiques provinciales, les curriculums et les programmes de formation à l’enseignement en contextes anglophones ont un pas d’avance quant à la considération des Peuples autochtones et, par le fait même, des recommandations de la CVR (2015) que les contextes francophones (Pilote et Joncas, 2020). Il en va de même pour la recherche. Côté (2019) constate que « la recherche sur les questions d’intégration des perspectives autochtones en éducation en français au Canada est embryonnaire, et ce, autant en milieu majoritaire que minoritaire » (p. 25). À cela s’ajoute le faible nombre de ressources en français qui s’intéresse aux histoires, aux perspectives et aux enjeux actuels de l’éducation des Premières Nations, des Inuit et des Métis. Pourtant, en contexte francophone canadien, les établissements scolaires et postsecondaires ont leurs propres réalités et relations historiques et contemporaines avec les Peuples autochtones qui demandent une compréhension fine afin de mettre en œuvre les Appels à l’action de la CVR (2015). À titre d’exemple, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées (ENFFADA) a déposé le rapport complémentaire « Kepek-Québec » (2019) afin de rendre compte des rapports spécifiques et des enjeux particuliers comme la barrière de la langue de cette province. Les demandes de reconnaissance des relations uniques entre les Francophones et les Peuples autochtones du Canada sont teintées de respect, mais aussi d'une volonté d'attirer l'attention sur leurs revendications identitaires particulières (Salée, 1995). L’étude de Lefevre-Radelli et Dufour (2016) dans des universités francophones et anglophones de Montréal relève une distinction entre elles concernant les politiques d’inclusion des perspectives autochtones, qu’elles expliquent par une situation politique, géographique et linguistique particulière, et par des relations conflictuelles entre le nationalisme québécois et les nationalismes autochtones. Chez des francophones en milieu minoritaire, Côté (2019) explique que « l’Autre demeure la majorité anglophone. Les francophones ne semblent pas se rendre compte qu’ils sont l’Autre des Autochtones » (p. 34). Quel que soit le contexte francophone (minoritaire ou majoritaire), les connaissances par rapport aux enjeux et aux défis que pose la réconciliation sont émergentes; les travaux de recherche amorcés et les initiatives qui ont vu le jour dans certains milieux sont encore peu documentés (Bousquet, 2016; Boutouchent, Phipps, Armstrong et Vachon-Savary, 2019; Côté, 2019; Dufour, 2021; Joncas et Larivière, 2017; Kermoal et Gareau, 2019; Lévesque, 2019). La paucité des travaux concernant l’autochtonisation, la réconciliation, la décolonisation (Battiste, 2013; Tuck et Yang, 2012) et les questions de colonialisme de peuplement en contextes francophones canadiens ont motivé ce numéro spécial. Nous nous intéressons aux possibilités et limites des appels à l’action de la CVR (2015) en contextes francophones, aux questions d’autochtonisation, de réconciliation et de décolonisation, d’identité notamment celle duale de colonisé et d’allochtone, aux enjeux relatifs aux politiques éducatives et de curriculum (explicite, implicite-caché, nul), entre autres, afin de mieux comprendre la position particulière des communautés francophones dans le projet de colonialisme de peuplement au Canada. Nous souhaitons recevoir des propositions interdisciplinaires ancrées dans diverses approches théoriques, disciplinaires, méthodologiques et conceptuelles (enquête narrative, poétique, empirique, artistique, critique, par récit, etc.), notamment une perspective intersectionnelle, et nous sommes ouverts à des productions multimodales.

Veuillez soumettre une proposition de contribution incluant un titre préliminaire et un résumé de 200 mots (indiquant clairement comment vous répondez à l'appel au plus tard le 26 septembre 2021. Veuillez également inclure une courte biographie (50 mots). Veuillez soumettre votre proposition directement sur le site de JCACS/RACEC (https://jcacs.journals.yorku.ca/index.php/jc) dans votre dossier « auteur » et dans la section intitulée « CVR : Appels à l’action ». L’acceptation des propositions ne présume pas l’acceptation du manuscrit complet, lequel sera soumis à la procédure d’évaluation habituelle de la revue (évaluation par les pairs). Les manuscrits complets (en français ou anglais, maximum 5000 mots , références et résumés non-inclus) devront être soumis avant le 6 février 2022. La revue n’accepte que les textes originaux et inédits qui ne sont pas en évaluation par une autre revue. Bien que le JCACS/RACEC ait ses propres normes de publication, veuillez soumettre votre proposition en respectant les conventions APA 7 pour les citations et les références. Veuillez utiliser une police sans empattement de 12 points et un double interligne.

 

Dates importantes :

1. Date limite réception des propositions : 26 septembre 2021

2. Réponses aux auteur(-e)s : 15 octobre 2021

3. Date limite réception des manuscrits complets : 4 mars 2022

4. Date anticipée de publication : septembre 2022

 

Références

Battiste, M. (2013). Decolonizing education: Nourishing the learning spirit. Purich.

Bousquet, M.-P. (2016). La constitution de la mémoire des pensionnats indiens au Québec : drame collectif ou histoire commune? Recherches Amérindiennes au Québec, 46(2-3), 165-199.

Boutouchent, F., Phipps, H., Armstrong, C. et Vachon-Savary, M.-È. (2019). Intégrer les perspectives autochtones : regards réflexifs sur le curriculum de la Saskatchewan et sur quelques pratiques en formation des maîtres en éducation française. Cahiers franco-canadiens de l'Ouest, 31(1), 127-153. https://doi.org/10.7202/1059129ar

Commission de vérité et réconciliation du Canada. (2015). Honorer la vérité, réconcilier pour l'avenir : sommaire du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Repéré à http://www.trc.ca/assets/pdf/French _Exec_Summary_web_revised.pdf

Côté, I. (2019). Les défis et les réussites de l’intégration des perspectives autochtones en éducation : synthèse des connaissances dans les recherches menées au Canada. Revue de langage, d’identité, de diversité et d’appartenance, 3(1), 28-45. http://bild-lida.ca/journal/volume-31-2019/les-defis-et-les-reussites-de-lintegration-des-perspectives-autochtones-en-education-synthese-des-connaissances-dans-les-recherches-menees-au-canada/

Côté, I. (2019). Théorie postcoloniale, décolonisation et colonialisme de peuplement : quelques repères pour la recherche en français au Canada. Cahiers franco-canadiens de l'Ouest, 31(1), 25-42. https://doi.org/10.7202/1059124ar

Dufour, E. (2021). C'est le Québec qui est né dans mon pays ! : Carnet de rencontres, d'Ani Kuni à Kiuna. Écosociété.

Joncas, J., & Larivière, T. (2017). Miichiwap ou la construction d’espaces de recherche plus ouverts à l’université. Cahiers du CIÉRA, 15 (décembre), 64-87.

Kermoal, N., & Gareau, P. (2019). Réflexions sur l’autochtonisation des universités, un cours à la fois. Cahiers franco-canadiens de l'Ouest, 31(1), 71-88.

Lévesque, C. (2019). L'éducation scolaire chez les Premières Nations et les Inuit du Québec : refaire nos devoirs, construire la réconciliation. Communication présentée à la Conférence de consensus : la mixité sociale et scolaire, mixité ethnoculturelle, Québec, Québec.

Lefevre-Radelli, L., & Dufour, E. (2016). Entre revendications nationales et expériences locales : la reconnaissance des Premières Nations dans les universités de Montréal (Québec). Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, 15, 169-192.

Pilote, A., & Joncas, J. (2020). Survol de la situation concernant la reconnaissance des Premiers peuples dans la formation à l’enseignement au Canada. Note d’information destinée au ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Université Laval.

Salée, D. (1995). « Identities in conflict : the Aboriginal question and the politics of recognition in Québec » , Ethnic and Racial Studies, 18(2), 277-314. https://doi.org /10.1080/01419870.1995.9993864
Tuck, E., & Yang, K. W. (2012). Decolonizing is not a metaphor. Decolonizing: Indigeneity, Education & Society, 1(1), 1-40.

Tupper, J. (2014). The Possibilities for Reconciliation through Difficult Dialogues: Treaty Education as Peacebuilding, Curriculum Inquiry, 44(4), 469-488.

Vaudrin-Charrette, J. et Fleuret, C. (2016). Quelles avenues vers une pédagogie postcoloniale et multimodale en contexte plurilingue?, La Revue canadienne des langues vivantes, 72(4), 550-571.